Hommage au Docteur

Un samedi noir, froid, pour dire adieu au Docteur Pierre RAYNAL.

J'ai eu la chance de travailler cinq ans à Chaudes Aigues, comme Principal du Collège, de 1987 à 1992, alors qu'il était Maire, Député et Président du Conseil Général.

J'ai encore le souvenir de notre première rencontre.
Juin 1987, je venais d'être nommée Principal au collège et je prenais contact avec le Maire Conseiller Général avec qui j'aurai à travailler. J'avais entendu parler de lui et le portrait qui m'en avait été fait ne m'avait pas apporté la sérénité nécessaire à un premier entretien. On le disait autoritaire et pas particulièrement pro école publique, qualifiée dans la commune d'école du Diable !!!. Bref, je suis arrivée assez stressée, d'autant plus que j'étais encore professeur, n'ayant aucune expérience de Chef d'Etablissement. Je devais mettre en place une formation continue, "Tourisme et Communication",  financée par le FNE, Fonds National Européen (c'était le nom à l'époque). Dans le feu de la conversation, aidée par le stress !, sans doute, me voilà en train de dire "front national" au lieu de "fonds national". Il faut dire qu'à l'époque on parlait beaucoup du FN.
Quelle honte !!! Cela l'a beaucoup amusé et cela a détendu l'atmosphère et j'ai pu découvrir le côté humain du Docteur, ainsi que tout le monde l'appelait à Chaudes Aigues.

Ma deuxième rencontre a été le premier Conseil d'Administration. Toujours pressé, il avait plusieurs pages d'avance sur vous dans la présentation du budget, il tournait les pages rapidement, faisait un commentaire, posait une question etc... bref perturbait totalement votre présentation. Très formateur.

Ma troisième rencontre a consisté à lui demander une subvention afin d'organiser une action dont j'ai oublié le contenu. La secrétaiore et la gestionnaire m'avaient mise en condition en me disant que mon prédécesseur revenait en général en pleurs de la maire. Imaginez mon arrivée, estomac serré etc...
Je suis revenue avec le sourire, le projet lui avait plu et pendant les cinq années, j'ai toujours obtenu les aides financières sollicitées car il souhaitait que les élèves aient le maximum d'activités.
En général, l'école privée obtenait la même subvention sans rien demander. Mais bon, tant mieux pour les jeunes !

Nos relations ont toujours été empreintes d'humanité, d'humour et de gentillesse, quelques fois âpres.
Des discussions sur le travail des femmes qui se terminaient par "vous n'avez pas complètement tort, mais moi non plus" !
Un accrochage sur le fait de placer ou non des compteurs individuels pour le chauffage du collège, des appartemnts et de l'école. Il n'en voulait pas de ces compteurs, et moi si ! Au cours d'une réunion de chantier cela a été "chaud". J'ai "emporté la décision" quand je lui ai dit "Docteur vous ne serez pas toujours là et moi non plus. Si un jour il y a conflit, les compteurs resteront objectifs". En colère, il a dit à l'entreprise "allez mettez donc ces compteurs". Mais il est resté charmant avec moi au cours des rencontres suivantes.
Il était craint au Conseil Général et à la Mairie, mais je crois qu'il aimait bien les gens qui lui parlait franchement, sans flagornerie et avec fermeté.
L'anecdote qui le décrit le mieux restera à jamais gravée dans ma mémoire. Nous avions organisé le "baptème" du collège et il avait accepté de payer le panneau "collège Louis Pasteur" à placer sur la façade du bâtiment. Les employés municipaux viennent donc poser le panneau, au milieu de l'ancien bâtiment, me disent-ils en me montrant l'endroit et en ajoutant : "c'est le Docteur qui l'a dit". Or cela ne correspondait pas à l'entrée du collège. Je refuse, disant que le panneau serait placé au dessus de la porte et pas ailleurs. Personne n'a osé prendre la décision et le premier adjoint a téléphoné à l'Assemblée pour en parler au Docteur !
La réponse a été brève : "elle nous fait suer, mettez le panneau où elle veut" !!! ou quelque chose d'approchant !!!
A son retour il a été très content de la pose du panneau et il a offert le champagne à tous les invités de cette manifestation qui n'avait jamais vu autant de monde soutenant l'école publique dans la salle du Conseil de la Mairie. Enfin ce sont les mauvaises langues qui disaient cela !!! Je n'ai jamais eu à me plaindre des aides apportées au collège.

Je l'ai même convaincu de fêter le bi-centenaire de la Révolution Française ! Voir les enfants des deux écoles chanter et danser la carmagnole autour de l''arbre de la liberté planté par la Commune, il fallait le faire. La Commune a édité les cahiers de doléances. Prise du Couffour, feu d'artifice, etc... ce fut une belle fête dont il me rappelait régulièrement le coût, en riant !

J'ai d'autres souvenirs intimmenent liés à la vie du Collège et grâce à lui nous avons fait de grandes choses.
Ces cinq années passées à Chaudes Aigues furent, pour moi, les meilleures de ma vie professionnelle.
Je me suis éclatée !!!

J'aurai toujours une pensée émue pour ce grand homme, craint par tous, ou presque, avec qui j'ai passé des moments intenses à travers toutes les manifestations organisées avec son soutien : "Tourisme et Communication", Baptème du Collège, "Patrimoine et Innovation", expositions diverses au collège ou à la Chapelle des Pénitents.
Il était toujours présent et toujours prêt à valoriser le travail des enseignants et des élèves.

Ce week end, je suis triste en pensant à son départ et je lui dit "adieu Docteur".

Christiane MISSEGUE